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Textes du Concile Vatican II proposés par Mgr Albert Rouet pour les journées thématiques 17-18 janvier 2015
Textes pour mieux préparer les journées thématiques du 17-18 janvier 2015
A - Au cœur des contradictions. (Constitution « l’Eglise dans le monde de ce temps » no 4 §3à5).
1. Pour mener à bien cette tâche, l’Église a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques. Il importe donc de connaître et de comprendre ce monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractère souvent dramatique. Voici, tels qu’on peut les esquisser, quelques-uns des traits fondamentaux du monde actuel.
2. Le genre humain vit aujourd’hui un âge nouveau de son histoire, caractérisé par des changements profonds et rapides qui s’étendent peu à peu à l’ensemble du globe. Provoqués par l’homme, par son intelligence et son activité créatrice, ils rejaillissent sur l’homme lui-même, sur ses jugements, sur ses désirs, individuels et collectifs, sur ses manières de penser et d’agir, tant à l’égard des choses qu’à l’égard de ses semblables. À tel point que l’on peut déjà parler d’une véritable métamorphose sociale et culturelle dont les effets se répercutent jusque sur la vie religieuse.
3. Comme en toute crise de croissance, cette transformation ne va pas sans de sérieuses difficultés. Ainsi, tandis que l’homme étend si largement son pouvoir, il ne parvient pas toujours à s’en rendre maître. S’efforçant de pénétrer plus avant les ressorts les plus secrets de son être, il apparaît souvent plus incertain de lui-même. Il découvre peu à peu, et avec plus de clarté, les lois de la vie sociale, mais il hésite sur les orientations qu’il faut lui imprimer.
4. Jamais le genre humain n’a regorgé de tant de richesses, de tant de possibilités, d’une telle puissance économique, et pourtant une part considérable des habitants du globe sont encore tourmentés par la faim et la misère, et des multitudes d’êtres humains ne savent ni lire ni écrire. Jamais les hommes n’ont eu comme aujourd’hui un sens aussi vif de la liberté, mais, au même moment, surgissent de nouvelles formes d’asservissement social et psychique. Alors que le monde prend une conscience si forte de son unité, de la dépendance réciproque de tous dans une nécessaire solidarité, le voici violemment écartelé par l’opposition de forces qui se combattent : d’âpres dissensions politiques, sociales, économiques, raciales et idéologiques persistent encore, et le danger demeure d’une guerre capable de tout anéantir. L’échange des idées s’accroît ; mais les mots mêmes qui servent à exprimer des concepts de grande importance revêtent des acceptions fort différentes suivant la diversité des idéologies. Enfin, on recherche avec soin une organisation temporelle plus parfaite, sans que ce progrès s’accompagne d’un égal essor spirituel.
5. Marqués par une situation si complexe, un très grand nombre de nos contemporains ont beaucoup de mal à discerner les valeurs permanentes ; en même temps, ils ne savent comment les harmoniser avec les découvertes récentes. Une inquiétude les saisit et ils s’interrogent avec un mélange d’espoir et d’angoisse sur l’évolution actuelle du monde. Celle-ci jette à l’homme un défi ; mieux, elle l’oblige à répondre.
B. Le renouvellement chrétien de l’ordre temporel ( Décret de l’Apostolat des Laïcs no 7).
Tel est le dessein de Dieu sur le monde : que les hommes, d’un commun accord, construisent l’ordre des réalités temporelles et le rendent sans cesse plus parfait. Tout ce qui compose l’ordre temporel : les biens de la vie et de la famille, la culture, les réalités économiques, les métiers et les professions, les institutions de la communauté politique, les relations internationales et les autres réalités du même genre, leur évolution et leur progrès, n’ont pas seulement valeur de moyen par rapport à la fin dernière de l’homme. Ils possèdent une valeur propre, mise en eux par Dieu lui-même, soit qu’on regarde chacun d’entre eux, soit qu’on les considère comme parties de l’ensemble de l’univers temporel : « Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait et c’était très bon » (Gn 1, 31). Cette bonté naturelle qui est leur reçoit une dignité particulière en raison de leur relation avec la personne humaine au service de laquelle ils ont été créés. Enfin il a plu à Dieu de rassembler toutes les réalités, aussi bien naturelles que surnaturelles, en un seul tout dans le Christ « pour que celui-ci ait la primauté en tout » (Col 1, 18). Cette destination, loin de priver l’ordre naturel de son autonomie, de ses fins, de ses lois propres, de ses moyens, de son importance pour le bien des hommes, rend au contraire plus parfaites sa force et sa valeur propre ; elle le hausse en même temps au niveau de la vocation intégrale de l’homme ici-bas.
Au cours de l’histoire, l’usage des choses temporelles a été souillé par de graves aberrations. Atteints par la faute originelle, les hommes sont tombés souvent en de nombreuses erreurs sur le vrai Dieu, la nature humaine et les principes de la loi morale : alors les mœurs et les institutions humaines s’en sont trouvées corrompues, la personne humaine elle-même bien souvent méprisée. De nos jours encore, certains, se fiant plus que de raison aux progrès de la science et de la technique, sont enclins à une sorte d’idolâtrie des choses temporelles : ils en deviennent les esclaves plutôt que les maîtres.
C’est le travail de toute l’Église de rendre les hommes capables de bien construire l’ordre temporel et de l’orienter vers Dieu par le Christ. Il revient aux pasteurs d’énoncer clairement les principes concernant la fin de la création et l’usage du monde et d’apporter une aide morale et spirituelle pour que les réalités temporelles soient renouvelées dans le Christ.
Les laïcs doivent assumer comme leur tâche propre le renouvellement de l’ordre temporel. Éclairés par la lumière de l’Évangile, conduits par l’esprit de l’Église, entraînés par la charité chrétienne, ils doivent en ce domaine agir par eux-mêmes d’une manière bien déterminée. Membres de la cité, ils ont à coopérer avec les autres citoyens suivant leur compétence particulière en assumant leur propre responsabilité et à chercher partout et en tout la justice du Royaume de Dieu.
L’ordre temporel est à renouveler de telle manière que, dans le respect de ses lois propres et en conformité avec elles, il devienne plus conforme aux principes supérieurs de la vie chrétienne et soit adapté aux conditions diverses des lieux, des temps et des peuples. Parmi les tâches de cet apostolat l’action sociale chrétienne a un rôle éminent à jouer. Le Concile désire le voir s’étendre aujourd’hui à tout le secteur temporel sans oublier le plan culturel [12].
C- L’Eglise reçoit du monde avec qui elle dialogue. (Constitution « L’Eglise dans le monde de ce temps, no 44).
1. De même qu’il importe au monde de reconnaître l’Église comme une réalité sociale de l’histoire et comme son ferment, de même l’Église n’ignore pas tout ce qu’elle a reçu de l’histoire et de l’évolution du genre humain.
2. L’expérience des siècles passés, le progrès des sciences, les richesses cachées dans les diverses cultures, qui permettent de mieux connaître l’homme lui-même et ouvrent de nouvelles voies à la vérité, sont également utiles à l’Église. En effet, dès les débuts de son histoire, elle a appris à exprimer le message du Christ en se servant des concepts et des langues des divers peuples et, de plus, elle s’est efforcée de le mettre en valeur par la sagesse des philosophes : ceci afin d’adapter l’Évangile, dans les limites convenables, et à la compréhension de tous et aux exigences des sages. À vrai dire, cette manière appropriée de proclamer la parole révélée doit demeurer la loi de toute évangélisation. C’est de cette façon, en effet, que l’on peut susciter en toute nation la possibilité d’exprimer le message chrétien selon le mode qui lui convient, et que l’on promeut en même temps un échange vivant entre l’Église et les diverses cultures [101]. Pour accroître de tels échanges, l’Église, surtout de nos jours où les choses vont si vite et où les façons de penser sont extrêmement variées, a particulièrement besoin de l’apport de ceux qui vivent dans le monde, et en épousent les formes mentales, qu’il s’agisse des croyants ou des incroyants. Il revient à tout le Peuple de Dieu, notamment aux pasteurs et aux théologiens, avec l’aide de l’Esprit Saint, de scruter, de discerner et d’interpréter les multiples langages de notre temps et de les juger à la lumière de la parole divine, pour que la vérité révélée puisse être sans cesse mieux perçue, mieux comprise et présentée sous une forme plus adaptée.
3. Comme elle possède une structure sociale visible, signe de son unité dans le Christ, l’Église peut aussi être enrichie, et elle l’est effectivement, par le déroulement de la vie sociale : non pas comme s’il manquait quelque chose dans la constitution que le Christ lui a donnée, mais pour l’approfondir, la mieux exprimer et l’accommoder d’une manière plus heureuse à notre époque. L’Église constate avec reconnaissance qu’elle reçoit une aide variée de la part d’hommes de tout rang et de toute condition, aide qui profite aussi bien à la communauté qu’elle forme qu’à chacun de ses fils. En effet, tous ceux qui contribuent au développement de la communauté humaine au plan familial, culturel, économique et social, politique (tant au niveau national qu’au niveau international), apportent par le fait même, et en conformité avec le plan de Dieu, une aide non négligeable à la communauté ecclésiale, pour autant que celle-ci dépend du monde extérieur. Bien plus, l’Église reconnaît que, de l’opposition même de ses adversaires et de ses persécuteurs, elle a tiré de grands avantages et qu’elle peut continuer à le faire [102].
D - Importance de l’apostolat organisé de mouvements. ( Décret sur l’Apostolat des Laïcs, le no 18).
Les chrétiens sont donc appelés à exercer personnellement l’apostolat dans leurs diverses conditions de vie ; il ne faut cependant pas oublier que l’homme est social par nature et qu’il a plu à Dieu de rassembler ceux qui croient au Christ pour en faire le Peuple de Dieu (cf. 1 P 2, 5-10) et les unir en un seul corps (cf. 1 Co 12, 12). L’apostolat organisé correspond donc bien à la condition humaine et chrétienne des fidèles ; il présente en même temps le signe de la communion et de l’unité de l’Église dans le Christ qui a dit : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20).
C’est pourquoi les chrétiens exerceront leur apostolat en s’accordant sur un même but [28]. Qu’ils soient apôtres, tant dans leurs communautés familiales que dans les paroisses et les diocèses qui expriment en tant que tels le caractère communautaire de l’apostolat ; qu’ils le soient aussi dans les groupements libres dans lesquels ils auront choisi de se réunir.
L’apostolat organisé est aussi très important parce que souvent, soit dans les communautés ecclésiales, soit dans les divers milieux de vie, l’apostolat requiert une action d’ensemble. Les organisations créées pour un apostolat collectif soutiennent leurs membres, les forment à l’apostolat, ordonnent et dirigent leur action apostolique de telle sorte qu’on puisse en espérer des résultats beaucoup plus importants que si chacun agissait isolément.
Dans la conjoncture actuelle il est souverainement nécessaire que là où s’exerce l’activité des laïcs se développe l’apostolat sous sa forme collective et organisée ; seule en effet cette étroite conjonction des efforts peut permettre d’atteindre complètement tous les buts de l’apostolat d’aujourd’hui et d’en protéger efficacement les fruits [29]. Dans cette perspective il est particulièrement important que l’apostolat atteigne les mentalités collectives et les conditions sociales de ceux dont il se préoccupe, sinon ceux-ci seront souvent incapables de résister à la pression de l’opinion publique ou des institutions.